Projet AlgoPlast

Résumé

Madagascar est un pays en voie de développement dont les activités maritimes jouent un rôle primordial dans la vie sociale et économique des habitants. L’équipe malgacho-belge du présent projet a été un des acteurs importants dans le développement d’aquacultures villageoises innovantes, dont l’algoculture qui a vu en dix ans une croissance exponentielle du nombre de villageois devenus algoculteurs.

L’algue aquacultivée à Madagascar est la Cottonii. Sa production est vouée à l’exportation vers des pays industrialisés pour l’extraction des carraghénanes qui interviennent dans la fabrication de liants alimentaires et cosmétiques, ce qui impose actuellement un caractère exclusif et monopolistique au produit final généré. Le développement de l’algoculture villageoise est toujours très précaire sur Madagascar et est gravement menacé par l’apparition d’une maladie, l’Epiphytic Filamentous Algal Disease (EFAD). Une fois déclarée, cette maladie dévaste la production des villages en quelques semaines. Notre équipe a analysé cette maladie au cours d’un projet précédent et il s’avère que sans un arrêt complet de la production à l’endroit infesté, l’épidémie devient inévitable. Il n’y a aucun moyen actuellement d’éradiquer cette maladie dont l’agent responsable, une algue microscopique épiphyte, se retrouve sous forme de spores dans l’eau et dans les substrats.

Par ailleurs, il existe dans les eaux malgaches une autre algue aquacultivable, la Spinosum, non utilisable sur le marché actuel des carraghénanes car elle est beaucoup moins valorisable dans le cadre de cette filière. Cette algue a cependant une croissance plus rapide et résiste beaucoup mieux à l’EFAD.

Objectifs

Le présent projet a pour objectif d’évaluer et de tester, à l’échelle d’une unité-pilote sur Madagascar, le potentiel économique, social et environnemental d’une activité innovante portant sur la confection de bioplastiques, en particulier des sacs et des films de paillage biodégradables, confectionnés à partir des deux algues aquacultivées. Cette activité permettrait de sortir de la situation monopolistique de l’exploitation de la Cottonii pour la production de carraghénanes et d’assurer aux algoculteurs une production alternative à base de Spinosum lorsqu’ils sont confrontés à l’EFAD.

En plus, cela permettrait d’offrir une alternative à l’utilisation de plastiques pétro-sourcés qui ne cessent de polluer les eaux océans. D’ailleurs, sachant qu’à Mada-gascar, l’impacts des déchets en plastiques sur l’environnement marin et côtier et sur la biodiversité marine n’est pas encore connu, nous avons également dû com-mencer par travailler sur l’évaluation de cette pollution (en plastiques) dans les eaux malagasy, dans le cadre de cette recherche

Le projet financé par l’Académie De Recherche Et D’Enseignement Supérieur (ARES), Belgique pour une durée de 5 ans.

Highlights

ALGOPLAST est un Projet de Recherche pour le Développement (PRD) financé par l’ARES-CCD

Le projet, porté par le Laboratoire Biologie des Organismes Marins et Biomimétismes, de l’Université de Mons et l’Institut Halieutique et des Sciences Marines, de l’Université de Toliara.

C’est un projet Interuniversitaire impliquant 4 Universités, dont deux malagasy (Université de Toliara et Université d’Antananarivo) et deux Belges (Université de Mons et Université de Liège)

Le projet est mise en œuvre avec des partenaires privés et ONG, notamment la société Ocean Farmers et l’ONG Entraide et Fraternité


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Equipe

Organigramme de l’équipe du projet

Brève historique du développement de l’algoculture à Madagascar

L’algoculture a démarré, à Madagascar, en 1991 grâce à l’initiative de l’IH.SM associé dans sa démarche à la société BIOMAD. L’espèce cultivée est l’algue rouge Kappaphycus alvarezii, aussi connue sous le nom vernaculaire de Cottonii. Suite à une tempête en 1992, les plantations ont été détruites et il y a eu une interruption de cette activité jusqu’en 1996. En septembre 1997, l’algoculture a été relancée dans la région du sud-ouest malgache mais les résultats ont été mitigés et l’activité ne s’est pas développée. En 1998, une nouvelle souche de Cottonii en provenance de Zanzibar (origine au départ : Philippines) a été introduite à Madagascar, puis cultivé à Nosy Ankao (une île au nord-est de Madagascar) par la société Ibis Madagascar. Cette société a produit 80 t sèches de Cottonii en 2000, pour atteindre 1.645 t sèches en 2009. Cependant la maladie Epiphytic Filamentous Algal Disease ou EFAD est apparue et a causé une baisse de 50% de la production en 2010. Cela a découragé les fermiers d’où la fermeture de la société en 2011.

Dans le sud-ouest de Madagascar, la société Copefrito de Toliara a lancé la production de la Cottonii en 2010. De cette première société a bourgeonné début 2017, Ocean Farmers, une société privée exclusivement basée sur l’exportation d’algues sèches. Ocean Farmers est actuellement la plus importante société de la filière sur Madagascar et a produit et exporté quelque 1.000 tonnes d’algues séchées en 2017. Elle travaille étroitement avec des communautés villageoises (algoculteurs) où 1.700 foyers (environ 3.500 villageois) sont maintenant impliqués dans l’algoculture dans plusieurs dizaines de villages (Copefrito totalisait 164 villageois en 2010).

 

Des alternatives à base d’algues pour pallier la baisse des ressources halieutiques, développer l’économie locale et nationale et en même temps résoudre le problème de pollution en plastique

Évaluation des déchets plastiques en milieu marin

La pollution plastique est une préoccupation majeure dans le monde depuis quelques décennies. Elle affecte à la fois l’environnement et les organismes vivants. Le bioplastique est une meilleure alternative pour la gestion durable de l’environ-nement car il remplace le plastique pétrosourcé. De nombreux projets ont porté sur la production de bioplastique à partir de ressources renouvelables disponibles dans chaque pays. Dans ce sens, une recherche sur la fabrication de film à partir des algues rouges marines (Cottonii et Spinosum) a été initiée pour valoriser la res-source en algue disponible à Madagascar, dans le cadre du projet « Bioplastiques et algoculture villageoise ». Mais comme peu d’information sur l’état de cette pollu-tion est disponible cependant pour le cas Madagascar, la présente étude sur l’évaluation des déchets plastiques en milieu marin, a aussi été considérée dans le projet. Cette étude implique une évaluation de la pollution marine, à savoir l’état de la pollution dans la zone étudiée (sud-ouest de Madagascar). Il s’agit de réaliser une caractérisation des déchets plastiques dans les habitats marins (lieu de déversement des débris) et de l’étude de la bioaccumulation des plastiques chez les animaux ma-rins susceptibles d’ingérer les micro-plastiques (holothuries et poissons). D’une part, les informations issues de cette étude permettront d’établir une base de don-nées sur la pollution plastique pour Madagascar et de trouver des pistes pour des futures recherches sur les effets des micro-plastiques chez les organismes marins. Connaitre la distribution et l’accumulation des matières plastiques au niveau des différents écosystèmes vont servir à déterminer les mesures nécessaires dans la gestion de déchets plastiques pour la durabilité de l’environnement et la santé hu-maine. Ainsi, l’étude se focalise sur quatre grands axes tels que : i) caractérisation des macros-débris dans les écosystèmes marins et côtiers du sud-ouest de Madagas-car ; ii) différenciation de microparticules plastiques et organiques, iii) caractérisa-tion des micro-plastiques dans les écosystèmes marins et côtiers du sud-ouest de Madagascar ; et iv) Ingestion de micro-plastiques par les concombres de mère, les bivalves et les poissons du sud-ouest de Madagascar.

Pour les macro-débris, la collecte suivie de triage et caractérisation des déchets sur la plage et la mangrove de chacun des sites concernées (Sarodrano, Andrevo et To-liara) constituent les principales activités sur terrain. Selon les résultats, les macro-plastiques sont abondant par rapport aux autres déchets (tissus, métal, papier, verre…) accumulés dans les habitats de ces trois sites considérés. Dans les man-groves, les plastiques représentent 70% des déchets. Ces débris provenaient de la production domestique, d’engins de pêche, d’activités d’immersion et d’activités aquacoles (culture d’algues et de concombres de mer). Pour les micro-plastiques, le travail au laboratoire (incluant extraction, identification et caractérisation des échantillons) a pris une grande partie du travail. Pour les micro-plastiques, le tra-vail au laboratoire (de l’extraction jusqu’au caractérisation des échantillons) a pris une grande partie du travail. Le travail sur terrain consistait à prélever du sédiment et eau de mer, au niveau des habitats concernés ; et collecter les espèces de pois-sons, bivalve et holothuries choisis au près des embarcations de pirogue. Après trai-tement des données, il a été affirmé que les particules extraites ont été principale-ment (plus de 50%) de forme filaments et pigmentés. Mais une différence de per-ception des microfilaments entre les observateurs a été constaté : tous les observa-teurs avaient la même perception pour 45% des particules extraits et des percep-tions différentes pour 55%. Les observateurs risquent de sous-estimer le nombre de microplastiques identifiés. L’analyse au EDX semble permettre de différencier les microfilaments plastiques et organiques. Raison pour laquelle la présente étude suggère l’utilisation de l’EDX pour la détermination de l’erreur sur la quantification des microfilaments plastiques déjà effectuée. Bien que cela n’empêche pas de con-firmer que les microplastiques sont accumulés dans les sédiments (pour plage, mangrove et fond de mer au niveau des zones d’aquaculture), eau de mer et orga-nismes marins (par ingestion) prélevés dans les sites d’études.

Fabrication de bioplastique à base d’algues marines

Les deux espèces d’algue rouge (Kappaphycus alvarezii ou Cottonii et Euchema denticulatum ou Spinosum) aquacultivées dans la région Sud-ouest malgache, ont été utilisées pour produire du bioplastique afin de confectionner du film de paillage. D’abord, des mélanges de Polybutylène adipathe co-térephthalate (PBAT) avec de la poudre d’algues rouges ont été effectuées. La teneur en algue a varié de 10%, 20% et 50% pour chaque espèce. Ensuite de l’anhydride maléique (3%) a été greffé sur le squelette du PBAT (97%) en utilisant du luperox comme initiateur de radi-caux, afin d’améliorer l’adhérence interfaciale entre le copolymère et les algues rouges ainsi que les propriétés mécaniques des mélanges. Alors 10% PBAT greffé à l’anhydride maléique (PBAT-g-AM) ont été mélangés avec 70% de PBAT seul et 20% d’algues rouges.
La résistance à la traction (RT) et l’allongement à la rupture (AR) des films obtenus diminuent au fur et à mesure que la proportion en algues rouges augmente. Le PBAT seul a un AR de 524% et une RT de 19 MPa. En ajoutant 10% d’algues rouges, l’AR et la RT ont chuté respectivement à 171% (Cottonii) et 341% (Spino-sum) ainsi qu’à 14 MPa (Cottonii) et 13 MPa (Spinosum). Cependant la valeur du module de Young (MY) augmente avec la teneur en algues rouges. Avec l’ajout du PBAT-g-AM, l’AR s’est amélioré pour le mélange 70% PBAT/ 10% PBAT-g-AM/ 20% Cottonii (237%), par rapport au mélange 80% PBAT/ 20% Cottonii (142%) (sans PBAT greffé). De même la RT a aussi augmenté de 9 MPa (90% PBAT/ 20% Cottonii) à 11 MPa (70% PBAT/ 10% PBAT-g-AM/ 20% Cottonii). Cependant la valeur de l’AR et RT a diminué pour le mélange 70% PBAT/ 10% PBAT-g-AM/ 20% Spinosum.

Le bioplastique obtenu avec le mélange PBAT/ algues rouges, est à la fois moins souple et moins résistant avec l’augmentation de la teneur en algues rouges. Mais, par rapport aux films obtenus à l’aide du LDPE, les propriétés mécaniques des mé-langes sont encore meilleures avec 10% d’algues rouges et sont similaires avec 20% d’algues rouges.

Etude des contributions socio-économiques et environnementales potentielles de la valorisation de la culture d’algue Kappaphycus alvarezii pour la fabrication de plastiques à Madagascar.

L’approche Triple Bottom Line (TBL) est la capacité d’un projet ou d’une entre-prise à trouver des compromis entre l’atteinte d’un profit optimum, un apport social bénéfique et la soutenabilité environnementale (Elkington, 1999). Malgré les grands débats mondiaux durant les trois dernières décennies sur la soutenabilité, chaque quinquennat, une expédition mondiale fait un état des lieux des pollutions plastiques. La dernière expédition datant de 2010-2015 rend compte de 8 MT de plastiques se déversant dans l’Océan, au détriment de la biodiversité marine (Jam-beck et al., 2015). Or, tel le cas des pays insulaires tel que Madagascar, la pêche constitue encore l’une des principales activité de subsistance des communautés lit-torales (FAO, 2021). Ainsi, au-delà de la Pêche, le besoin d’entreprendre une activi-té génératrice de revenu respectueuse de l’environnement est impératif. Durant la dernière décennie, au Sud-Ouest de Madagascar, un partenariat entre une firme lo-cale et la communauté autochtone a permis de lancer la culture d’algues de type « Kappaphycus alvarezii » dont la production est pour le moment destinée à l’exportation brute. La présente recherche vise à étudier les contributions socio-économiques et environnementales potentielles de la valorisation de cette espèce pour la fabrication de plastiques à Madagascar.

Pour ce faire, ce travail de thèse se subdivise en quatre parties principales.

I) A travers une approche systématique conçue par l’équipe du MIT , on a tenté de comprendre comment l’innovation s’opère au sein d’un espace géographique déli-mité et dans le cadre d’un pays en voie de développement. Sur base des fondations institutionnelles telles que l’état de droit, la protection des droits de propriété, la liberté du travail et de commerce, la transparence ainsi qu’un bon climat entrepre-neurial ; deux capacités jumelles peuvent coexister. Ce sont la capacité innovative (I-cap) et la capacité entrepreneuriale (E-cap). D’une part, elles sont jumelles dans la mesure où les éléments qui les composent sont similaires que sont le capital hu-main, le financement, les infrastructures, la demande ainsi que les cultures et les incitations. D’autre part, elle diverge dans leurs spécificités. La première (I-cap) consiste en la capacité d’une ville, d’une région ou d’une zone à développer de nou-velles solutions qui ont des impacts à partir de la réflexion d’un cas existant. Les impacts incluent non pas seulement l’économie mais également le social et l’environnement. Cela relève ainsi des R&D en sciences et technologies, produits ou services qui vont réellement apporter des solutions à des problèmes existentiels. Quant à la seconde (E-cap), elle met l’accent sur un sous-ensemble de la capacité entrepreneuriale plus générale et des conditions de création d’entreprises. Par ail-leurs, le modèle du MIT identifie cinq (5) parties prenantes principales qui intera-gissent de manière concomitante à activer ces capacités. Elles sont constituées par les Universités – les Entrepreneurs – la source de financement (Capital-risque) – les grandes firmes ainsi que le Gouvernement. Grâce aux fondations institutionnelles et le développement des capacités (I-cap & E-cap) via les parties prenantes, une zone ou une ville voire une région peut identifier les avantages qu’elle dispose au mieux comparativement aux autres zones/régions/villes et sur lesquels elle peut s’appuyer afin d’avoir des impacts(Budden et al., 2019; Budden & Murray, 2019a, 2019b).

Grace à une mise en perspective de cette théorie dans le cas malgache et à l’aide des données collectées, le gouvernement peut favoriser le développement d’un éco-système entrepreneurial par le biais du taux d’imposition, de dispositions fiscales incitatives facilitant la phase de croissance de nouvelles entreprises, et en réduisant la paperasserie bureaucratique. De plus, le gouvernement se doit d’adopter des poli-tiques économiques souples qui tiennent à la fois compte des situations conjonctu-relles et structurelles ainsi que des efforts en matière de transparence et de lutte contre la corruption. Par la mise en perspective de la théorie sur la région du Sud-Ouest, nous avons pu identifier que celle-ci dispose des conditions maritimes les plus favorables parmi l’Afrique Subsaharienne afin d’exploiter les filières halieu-tiques (barrière récifale protectrice, espace maritime disponible, niveau de salinité convenable, variation des températures adéquate). De plus, la région dispose d’une parfaite synergie des principales parties prenantes convenables pour créer un éco-système d’innovation et entrepreneurial. Premièrement, l’Institut Halieutique et des Sciences Marines (IHSM) qui fournit les expertises ainsi que des chercheurs et des ingénieurs utiles à la fois pour la R&D ainsi que pour les ressources humaines de la région. Deuxièmement, une communauté littorale dont la culture ancestrale est rat-tachée aux activités maritimes. Cet aspect fait que la communauté ait une appro-priation dynamique et un engagement motivé pour le développement des activités entrepreneuriales liées à la mariculture et la promotion de la biodiversité marine. Elle collabore également avec des ONG et associations locales pour la cogestion des espaces maritimes et leur conservation. Troisièmement, un ensemble d’entreprises qui exerce dans les filières halieutiques et mariculture. Pratiquant l’entrepreneuriat social, ces dernières coopèrent avec la communauté en leur four-nissant des matériels et équipements ainsi que des encadrements techniques et in-versement, la communauté s’engage à fournir une production d’algue et de pêche (poisson, poulpe, calmar, langoustes, moules). Au-delà des aspects économiques et sociales et aux vues des contraintes climatiques mondiales, ces trois premières ca-tégories d’acteurs s’engagent dans une démarche durable et conservative. Quatriè-mement, le Gouvernement qui est représenté à deux niveaux. Le premier niveau est constitué par l’ensemble des ministères (Pêche, Économie et Finance, Commerce et Industrie, Sécurité) qui sont chargés de l’application de la politique générale de l’État ainsi que les politiques sectoriels. Le second niveau est représenté par le Gouvernorat régional qui veille à la bonne gouvernance, la démocratie et la paix sociale au niveau local.

Suite à un besoin d’activité alternative génératrice de revenu à la pêche et qui est intègre l’aspect genre, ces acteurs ont développé la filière de l’algoculture. Dans un optique de valorisation économiques des algues et de plus, afin de contribuer au développement durable, spécifiquement pour contribuer à la réduction de la pollu-tion de plastique, l’émission de CO2 ainsi que pour promouvoir la biodiversité ma-rine, des recherches sont en cours afin de développer du plastique à algo-sourcé et biodégradable à Madagascar. Cette innovation est rendue possible grâce à une col-laboration entre des Universités (IHSM, UMONS, ULiège) et à l’appui de l’ARES pour la R&D avec la contribution de la communauté littorale du Sud-Ouest et les deux gouvernements (Belge et Malgache). L’aspect du financement (capital-risque) constitue encore un aspect à explorer. Dans ce sens, les prochaines étapes de ce tra-vail vont consister à analyser trois aspects du projet : la viabilité économique, la faisabilité sociale et la durabilité environnementale.

II) De nos jours, développer des activités entrepreneuriales respectueuses de l’environnement équivaut à analyser les apports bénéfiques de ces dernières pour le maintien ou la promotion du milieu où elles sont implantées. Dans le cas spécifique de l’Algoculture et dans le cadre de ce travail, cette approche a été adoptée en fai-sant appel aux approches d’évaluation des services écosystémiques et de biodiversi-té fournis les cadres conceptuels de l’évaluation du millénaire (Millenium Ecosys-tem Assessment, 2005) ainsi que de l’économie de l’écosystème et de la biodiversi-té (Kumar, 2012; TEEB, 2012). Concrètement, ces approches reposent sur l’analyse des services écosystémiques fournis par des ressources biologiques qui pourraient contribuer à améliorer le bien-être humain (directement ou indirectement) à travers quatre axes ainsi que les contributions potentielles desdites ressources pour la pro-motion de la biodiversité environnante. Il s’agit des services d’approvisionnement, des services de régulation, des services d’habitat ou de maintien ainsi que les ser-vices culturels. Pour le cas des algues étudiées dans ce travail, les services d’approvisionnement désignent leur utilisation potentielle comme ressources médi-cinales, matières premières pour les industries cosmétiques – pharmaceutiques et agro-alimentaires. Les services de régulation décrivent la capacité des ressources à contenir du dioxyde de carbone par la photosynthèse, la capacité de filtration des eaux et à y extraire des nutriments nocifs (métaux lourds, azote, phosphore). Les services d’habitat et de maintien désignent tout simplement la capacité des res-sources biologiques à abriter d’autres espèces biologiques (faune ou flore). Et les services culturels reflètent le lien la société humaine et les ressources biologiques étudiées (tourisme, emploi, mode de vie, paysage de récréation…). Pour l’approvisionnement, les résultats de nos recherches informent que les algues de type « Kappaphycus alvarezii » sont principalement utilisées afin d’en extraire du carraghénane pour sa propriété gélifiante, émulsifiante et épaississante. Le carrag-hénane est utilisé pour la fabrication de pâte dentifrice, de produits cosmétiques, glace, compléments alimentaires animaliers, produits pharmaceutique (Alleway et al., 2019; Kim et al., 2017; Mantri et al., 2017). Spécifiquement, cette algue est uti-lisée pour fabriquer du film fin biodégradable (semi-raffinée) (Ghosh et al. 2006 – p14). Consommée en tant que jus de boisson, elle pourvoit également des éléments nutritifs riches en potassium (2500 à 5000 mg/L), magnésium (750 à 1250 mg/L), calcium (250 à 350 mg/L), zinc ( 3 à 6 mg/L), fer (50 à 210 mg/L) ainsi que d’autres éléments (sodium, iode, manganèse, thiamine, riboflavine…) (Ghosh et al. 2008 – p14). Nos enquêtes sur terrain ont révélé que cette algue est utilisée locale-ment comme accompagnement du plat principal cuite avec du haricot, des fois comme salade et quelque fois comme confiture. Très rarement, elle est également utilisée comme antiseptique sous forme de poudre (moulu) pour les plaies. Pour la régulation, en considérant la production mondiale d’algues, en moyenne, les algues de type Kappaphycus et Euchema contiennent 29% de dioxyde de carbone et 1.7% d’azote (nitrogene) (Kim et al., 2017). Selon la FAO en 2015, plus de 120 millions de tonnes d’engrais ont été utilisés dans le monde dont 15 à 30% se sont déversés dans l’océan. Bjerregaard et al. (2016) a affirmé que l’algoculture à elle seule pour-rait absorber autour de 30% d’azote induite par ces engrais en cultivant uniquement d’algue couvrant 0.03% de la surface des océans, produisant autour de 500 millions de tonnes, poids humide. Concernant la capture de métaux lourds, les algues Kap-paphycus et Eukeuma ont des capacités d’absorption de Cadmium (3.064mg/100g f.wt), Cobalt (3.365mg/100g f.wt) et Chrome (2.799mg/100 mg f.wt) (Suresh Ku-mar et al., 2007). Pour l’habitat, nos collectes de données sur des sites de culture d’algues comparés à des milieux similaires, informent la richesse, la fidélité et la quasi-abondance des espèces de poissons « Lethrinus harak » (comestible et très commercialisée), « Cheilodipterus macrodon » et « Heniochus acuminatus » sur les zones de culture d’algues. En terme de présence de macro-invertébrées, quatre ca-tégories ont été relevées sur les sites d’observations (crustacées, gastéropodes, bi-valves et échinodermes. A titre d’illustration, au sein du Paysage Mahafaly – CR Anakao, en terme de richesse spécifique, l’échinoderme est le plus diversifié avec 12 espèces inventoriées, suivie de gastéropode avec 9 espèces recensées. Le bivalve et crustacé présentent respectivement quatre et trois espèces inventoriées. Finale-ment, pour les services culturels, l’algoculture constitue une activité de subsistance complémentaire à la pêche répartis sur plus de 40 villages dans la région Sud-Ouest avec plus de 2500 foyers fermiers constitués d’hommes et de femmes marqués da-vantage par la prédominance de femmes.

III) Par ailleurs, par hypothèse, les services écosystémiques fournis par l’Algoculture contribueraient à l’amélioration, directement ou indirectement, à l’amélioration du bien-être des communautés fermières. Dans le contexte du 21è siècle, une économiste dénommée Kate Raworth a développé une approche appelée « la Théorie du Donut ». A l’image d’un donut, qui dispose d’un creux au milieu et un épaisseur destiné à être consommé, l’essence du Donut est un fondement social de bien-être en deçà duquel personne ne devrait tomber, et un plafond écologique de pression planétaire au-delà duquel nous ne devrions pas aller ; entre les deux se situe un espace juste et sûr pour tous. Ainsi, K. Raworth fournit un cadre de départ afin d’identifier les aspects à prendre en compte afin d’assurer un fondement social acceptable. Il s’agit de la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau, la santé, l’éducation, le travail et le revenu, la paix et la justice, la voix politique, l’équité sociale, l’égalité de genre, l’habitat, le réseau ainsi que l’accès à l’énergie (Raworth, 2017). Selon cette théorie, l’amélioration de ces volets sociaux à travers plusieurs indica-teurs, contribuerait à améliorer l’état de bien-être individuel ou mieux, par foyer. Additionnellement, une mesure psychométrique additionnel du bien-être psycholo-gique fournis l’Ohio State University et utilisé/recommandé par l’OMS sur base de 5 questions a été utilisé dans le cadre de ce travail. Ainsi, par le biais d’enquêtes par ménage ainsi que de focus group auprès des communautés littorales, des données sur les aspects susmentionnés ont pu être collectées sur 8 villages dans la région Sud-Ouest, répartis sur 5 villages observés (à la fois algoculteurs et pêcheurs) et 3 villages témoins (uniquement pêcheurs).

En termes de bien-être psychologique, aucune différence significative n’a été détec-tée entre les ménages observés et les ménages témoins (score moyenne située entre 60 à 80 signifiant un bon état de bien-être émotionnel et psychologique), si par hy-pothèse, nous anticipions d’avoir un état de bien-être psychologique supérieur pour les algoculteurs du fait de l’existence d’une activité de subsistance supplémentaire et plus stable. Néanmoins, les communautés algocultrices se démarquent spécifi-quement sur leur revenu sensiblement supérieur au revenu moyen des communautés de pêcheurs. De plus, le nombre d’enfants scolarisés par foyer est nettement mieux pour les algoculteurs avec une tendance accrue de l’atteinte du niveau secondaire comparativement aux enfants des pêcheurs. Au-delà de ces indicateurs, l’un des avantages spécifiques des communautés algocultrices, observables par focus group est que : comparés aux pêcheurs, les algoculteurs ont accès aux emprunts des caisses sociales locales du fait qu’elles disposent de revenu régulier grâce aux re-cettes de vente d’algues plus ou moins estimables. En d’autres termes, les algocul-teurs ont un niveau de solvabilité estimable et de régularité des revenus du fait de la régularité de leur production et donc, des recettes, si en revanche, les pêcheurs ne disposent que des revenus aléatoires en fonction des captures de pêche (dépend si-gnificativement aussi de la météo). Cet aspect peut ainsi constituer un avantage économique considérable pour les algoculteurs, ne serait-ce qu’en terme d’opportunité de crédits à destination d’augmentation des investissements dans l’Algoculture et/ou la modernisation des engins de pêche.

IV) En ligne avec l’approche triple bottom line, en analysant préalablement les conditions nécessaires pour un bon climat entrepreneurial et un environnement pro-pice pour l’innovation à Madagascar et les mettant en perspective pour le cas d’une région, en considérant par ailleurs le fait que l’Algoculture contribue non seulement à l’amélioration de la biodiversité mais également au bien-être social, économique et psychologique des communautés littorales à travers des services écosystémiques, cette partie sera consacrée à l’évaluation potentielle des bénéfices économiques d’un projet de fabrication de plastique à base d’algues. Très concrètement, il s’agit d’analyser la rentabilité des produits, la faisabilité technique et la productivité grâce à la technologie en possession du laboratoire d’essai et in fine, tenter d’analyser plusieurs scenarios afin d’identifier le meilleur plan d’affaire pour la création d’un éventuel start-up local producteur de plastiques à base d’algue mixés avec d’autres adjuvants (ex : PBAT, graphite, cellulose résiduelle d’algues, artemé-sia…)
En conclusion, ce travail de thèse a pour ambition d’étudier le climat entrepreneu-rial et d’innovation local en vue de planifier une activité entrepreneuriale durable qu’est la production de plastique partiellement algo-sourcée en valorisant les res-sources locales (biologiques, humaines, techniques) et tout en collaborant en con-comitance avec la communauté locale en tenant compte de leurs aspirations, de leurs cultures ainsi que des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de nos jours